Liberté
de Tony Gatlif
1943. Quelques roulottes tziganes traversent les bois afin de rejoindre un petit village français pour s'y installer le temps des vendanges et reprendre ensuite la route au son des violons et des rires des enfants comme à l'accoutumé. Pas vraiment. Théodore, le maire du village, leur apprend que le nomadisme est interdit en France depuis peu les mettant ainsi en position de hors la loi à moins qu'ils ne concèdent à se sédentariser pour leur sécurité.
Des films, documentaires, livres sur les génocides durant la deuxième guerre mondiale, il y en a à foison. Ceux relatant les faits concernant particulièrement les Roms se font plus rares. Quelle en est la cause ? Leur renommée ? Leur discrétion ? Leur indépendance vis-à-vis des lois ? L'indifférence des gadjos ? La méconnaissance de leur histoire ? Rien de tout cela peut-être ou un cocktail savant d'un peu de tout certainement. Cette guerre n'est pas la leur. Et pourtant... Quoi qu'il en soit, le film de Tony Gatlif n'apportera nullement une réponse à toutes ces questions mais entrouvre la porte sur un peuple ignoré dont les souffrances endurées pendant la sale guerre sont tout autant poignantes que celles des autres peuples persécutées par les nazis. Pourtant, malgré le tragique de la situation, le spectateur arbore un sourire de tendresse tout au long de la séance. Non pas qu'il s'agisse d'un film sentimental. Loin de là. Mais le réalisateur a choisi de traiter son sujet avec légèreté, pudeur et poésie, mêlant couleurs et émotions à l'image des protagonistes. Suggérer et non imposer. Il semble alors naturel au spectateur de s'attacher au fantasque Taloche trentenaire rêveur et espiègle merveilleusement interprété par James Thiérée, de comprendre les envies du jeune Claude de quitter le monde étriqué des gadjos pour suivre une troupe joviale où les enfants sont rois et les règles sont bannies, d'avoir un élan de sympathie envers ce jeune maire dont la largesse d'esprit n'a d'égal que sa grande générosité, de s'incliner face au courage de Melle Lundy, l'institutrice, et de son engagement. La liste peut être longue puisque chaque personnage ne laisse indifférent. Jusqu'à l'interprétation du générique de fin où Catherine Ringer crache d'une voix vibrante le désabusement d'une communauté laissée de côté dont les paroles contrastent avec la joyeuseté des sons sortant des violons et des banjos l'accompagnant. ♪ (...) Si quelqu'un s'inquiète de notre absence, dites lui, qu'on a été jeté du ciel et de la lumière, nous les seigneurs du vaste univers (...) ♫♪ (1)
(1) : Les bohémiens, BO du film Liberté