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Fleurs de marais
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9 février 2013

Repas littéraire : l'Argentine s'invite à table

2013_02_09
19h45. Vos talons claquent sur le trottoir luisant de pluie sous les lumières blafardes des lampadaires publics. Vous longez un des cimetières du coin (prédiction d'une soirée mortelle ? Hu hu qu'elle est drôle. Passons). Prochaine à gauche et nous y sommes au théâtre Icare qui lance un nouveau concept dans le bled : la promotion d'un bouquin étranger par la lecture d'un extrait, suivi d'un échange avec l'auteur autour d'un repas typique de son pays. Plutôt alléchant comme menu sachant que 1) vous adorez lire, 2) vous adorez manger, 3) vous adorez voyager.

La porte poussée, vous vous retrouvez dans une salle somme toute assez petite. Quelques tables sont dressées de verre de dégustation sur des toiles cirées noires et blanches unies, à pois ou à rayures donnant au lieu une atmosphère de cantine. Seul, le lustre à l'armature d'un autre temps, recouvert de fils en perles de synthèse, rappelle qu'ici se jouait également la comédie. Les chaises sont squattées petit à petit. Les bouteilles de vin argentin se débouchent au fur et à mesure que les tables se remplissent, sachant aussi qu'ici, on ne sert pas au verre. Ah !... Et bien, un pichet d'eau alors. Merci. Vos voisins sont bruyants. Vos voisins se prennent aussi au moins vingt ans dans la face par rapport à vous. Vos voisins semblent également faire parti de la mouvance bobo de gauche. En résumé, vous vous retrouvez en compagnie d'ex soixante-huitards embourgeoisés. Dire que vous commencez à vous demander ce que vous êtes venue faire là est un euphémisme. Comme pour vous rassurer, vous vous rappelez que 1) vous adorez lire, 2) vous adorez manger, 3) vous adorez voyager.

Christophe Rouxel, un metteur en scène et acteur, apprenez-vous en même temps qu'il endosse son rôle pour la soirée, ne prend pas le temps d'introduire son sujet et commence, bille en tête, sa lecture. Ah bah ça va être pratique pour raccrocher les wagons tiens ! Mais c'est qu'on ne vous avait pas dit qu'il fallait potasser le truc,... avant ! Blablabla blablabla (...) bla bla - Ploc ! Tiens, ça c'est une bouteille de pif qu'on débouche remarquez-vous connaisseuse alors que le Chris est rendu au passage où un vieil argentin explique à la narratrice comment reconnaître de quel côté porte un homme... - Blablabla BLABLABLA (...) blabla bla - Tititit schlac ! Essaie de te concentrer avec le déclencheur du Réflex toutes les trente secondes ! Déjà que le récit n'est pas passionnant alors avec des bruits parasites en plus... - BLABLA BLA !!! Bla blablabla (...) blablabla - Comment voulez-vous vous sentir concernée par les gesticulations du lecteur alors que l'auteur elle-même, assise à son côté, rédige des sms sur son smartphone pour passer le temps... -  ... - C'est fini ? Ah bah non, l'auteur prend la suite en version originale non sous-titrée. Grand moment de solitude supplémentaire lorsque vous entendez fuser des rires sur certains passages puisque vous, vous n'entendez rien à l'espagnol. On s'excuse d'avoir pris allemand deuxième langue, hein !? Vous ne comprenez pas bien cette hilarité générale lorsqu'on vous explique qu'elle relit l'extrait écouté cinq minutes plus tôt où personne n'avait, ne serait-ce que gloussé. Faux-culs !
Bon, c'est pas tout ça mais quand est-ce qu'on mange ? Vous essuyez les plâtres donc la mise en place est un peu maladroite mais très conviviale. Si conviviale que vos voisins, à la table de gauche, la confondent avec le sans gène. Votre pichet d'eau, il s'appelle revient au fait. Et s'ils pouvaient aller cloper dehors, ça serait sympa aussi. My god, vous avez grosso merdo la moitié de leur âge et semblez être plus coincée du bulbe, réalisez-vous en croquant un empanada saltenã. Viennent ensuite le guiso de lentejas (qui ressemble à nos saucisses/lentilles avec des patates et du chorizo en plus) et les questions du public. Au vu des dites questions, aucun doute sur le fait que vos vieux lurons l'ont lu, EUX, le fameux bouquin. Faillots ! Si vous aviez un doute sur leur classe socioprofessionnelle, celui-ci vient d'être levé dès la première intervention. (...) j'ai été dérangé par les nombreuses interruptions de rythme avec toutes ces précisions que vous avez apportées au cours du récit. Précisions philosophiques, politiques, régionales. Vu la diversité, j'ai l'impression que vous partez dans tous les sens. Je me demande alors si c'est voulu ou est-ce que ça traduit un esprit très curieux ? Vous êtes curieuse Paola, euh Pola (1) ? (rire de l'assistance moins vous. Vous ne voyez pas très bien ce qu'il y a de drôle là-dedans) demande à quelque chose près un des auditeurs/convives. C'est à ce moment très précis que vous avez définitivement su que vous êtes une imposture dans l'assemblée. Nan, parce que, pour vous, les précisions dans un récit sont là pour planter le décor, aider à la compréhension, situer l'action dans le temps et non pour emmerder le lecteur ! Et en aucun cas il vous serait monté au cerveau que tous ces apartés sont le fruit d'une curiosité débordante. Vous osez espérer que les auteurs sont pragmatiques. Tout le monde n'est pas spécialiste de l'Argentine. CQFD. La question suivante concernant le style littéraire vous a également laissé sur le cul. Cet auditeur/convive-ci s'étonne d'utiliser la version barrée du texte : (...) pourquoi cette coquetterie littéraire ? Là, pour le coup, ça vous semble évident : pour avoir une certaine complicité, visibilité avec le lecteur. Non ?

Deux questions supplémentaires et des réponses pas très claires plus tard, vous décidez de tirer votre révérence. 22h45. Vous poussez donc la porte dans l'autre sens. Vous longez à nouveau le cimetière. Vos talons claquent toujours autant sur un trottoir tout aussi luisant que tout à l'heure. Prochain RDV sur le même principe : un repas littéraire grec. Pas si sûr... Pourtant, 1) vous adorez lire, 2) vous adorez manger, 3) vous adorez voyager.

(1) : Pola Oloixarac, auteur argentin, venue promouvoir son premier opus traduit en français :  Les théories sauvages

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